La première image photographique[modifier]
Nicéphore Niépce
Point de vue du Gras : La cour du domaine du Gras, dans le village de Saint-Loup-de-Varennes, première expérience réussie de fixation permanente d'une image de la nature (Nicéphore Niépce en 1826).
Au début du xixe siècle Joseph Nicéphore Niépce (1765-1833) réussit à obtenir et conserver une image due à l'action de la lumière. Dès 1812, il parvint à obtenir en lithographie des négatifs (grâce au chlorure d'argent) et des positifs (avec du bitume de Judée), mais ces images ne sont pas stables. Il utilise pour cela du sel d'argent placé au fond d'une chambre noire, mais le sel d'argent continue de noircir après l'exposition et l'image finit par disparaître1.
En 1819, John Herschel décrit les propriétés de l'hyposulfite de sodium qui deviendra le fixateur de Mijus.
Niépce se rend compte que l'important est d'interrompre l'action du produit après une période d'exposition à la lumière. Après avoir tenté des produits qui éclaircissent à la lumière au lieu de noircir avec toujours le même problème de stabilité, il s'intéresse à différents acides qui agiraient sur une plaque de métal ou de calcaire et seraient lavés ensuite. Mais l'acide ne réagit pas à la lumière. Il comprend grâce à cette expérience que l'action de la lumière n'a pas besoin d'être visible immédiatement mais peut être révélée ensuite. Il tente d'utiliser la résine de Gaïac, sensible aux ultra-violets qui perd sa solubilité dans l'alcool (dont le procédé peut donc être interrompu). Possible en plein soleil, l'opération est un échec en chambre noire car les ultraviolets (inconnus de Niépce) sont filtrés1.
L'expérience suivante en 1822 utilise le contact et l'asphalte, ou bitume de Judée. Cette substance perd sa solubilité sous l'action du soleil. Donc une plaque de métal enduite de bitume est exposée plusieurs heures, puis rincée au solvant, puis rongée par l'acide aux endroits où le bitume est dissous. Le résultat est concluant et permet en particulier de créer des supports métalliques pour l'imprimerie. Niépce constate néanmoins que les dégradés ne sont pas satisfaisants. Des hachures peuvent rendre ce dégradé en imprimerie mais limite la source de l'image à des gravures, impossible d'avoir des sujets réels1.
Première gravure héliographique connue, obtenue par Niépce en 1825 avec le procédé de l'héliographie ; copie d'une gravure du xviie siècle montrant un homme menant un cheval.
Entre la fixation du négatif et la première photographie stable, de nombreux essais ont été nécessaires ; certains sont parvenus jusqu'à nous. Par exemple cette image datée de 1825 est la plus ancienne gravure héliographique connue2,3. Elle est une reproduction par Niépce d’une gravure hollandaise représentant un petit cheval. La vue de sa propriété de Saint-Loup-de-Varennes (Saône-et-Loire) est majoritairement reconnue comme la première photographie en raison de sa stabilité et parce qu'il s'agit de la première image connue prise d'après nature avec une chambre noire utilisée comme appareil photographique4 ; elle date de 1826. Niépce plaça une plaque d'étain recouverte de bitume dans une chambre noire, face à une fenêtre de sa propriété. Il l'exposa ainsi pendant huit heures. Cela forma une image floue – mais maintenant très connue – d'un bâtiment, d'un arbre et d'une grange.
Les dégradés et la précision que Niépce souhaite ne sont réellement satisfaisants qu'après un nouveau changement de support et d'activateur. En 1828, il utilise une plaque d'argent et de la vapeur d'iode, le résultat est enfin à la hauteur de ses espérances. Le temps d'exposition est toujours de plusieurs heures à plusieurs jours1.
Voulant affiner sa méthode, Niépce s'est associé, en 1829, à un entrepreneur dynamique nommé Louis Jacques Mandé Daguerre (1787-1851). À partir de 1829, Daguerre a commencé véritablement ses travaux en chimie en utilisant l'iode découverte par Bernard Courtois. Daguerre a accompli des progrès importants dans les années qui ont suivi la mort de Niépce, survenue en 1833. Les vapeurs d'iode sont utilisées comme agent sensibilisateur sur une plaque de cuivre recouverte d'une couche d'argent polie. La réaction entre l’iode et l’argent produit de l’iodure d’argent, une substance qui s'est révélée être plus sensible à la lumière que le bitume. Par hasard, il a découvert que si une plaque qui avait été exposée était traitée aux vapeurs de mercure, l'image latente apparaissait nettement.
À partir de ce moment-là, le temps de pose se réduit considérablement. Plus tard, Daguerre se rend compte qu'en trempant la plaque dans une solution saline, il pouvait empêcher l'image de noircir avec le temps.
Arago présente la découverte à l'Académie des sciences en 1839 et Daguerre la commercialise sous le nom de « daguerréotype ». L'État français l'acquiert contre une rente viagère, puis en fait « don au monde ».
Cependant toutes ces images ne pouvaient être produites qu'en un seul exemplaire à la fois, leur qualité était aléatoire, et elles nécessitaient des temps d'exposition de plusieurs dizaines de minutes, ce qui rendait très difficile la réalisation de portraits.